lundi 13 février 2012

Ce que donne une cigarette fumée par la fenêtre.


L'exercice 10 est d'écrire une nouvelle en se prenant pour un objet.

Anthony m'a fait beaucoup rire avec le sien.

"Bonjour, un paquet de Marlboro light s'il vous plaît."

Je ne pouvais pas avoir plus belle vie, le soleil californien tapait à longueur de journée sur moi et la brise du vent venait se glisser et me rafraîchir. Parfois le ciel que je regardais sans cesse, l'esprit rêveur, s'assombrissait de gros nuages et je buvais l'eau qui en tombait avec délectation.
Et puis l'homme se ramena et détruisit ce que le temps avait fait de moi, mettant fin à la vie de rêve que je menais depuis que ma graine s'était déposée sur le sol et n'avait plus bougée.

Les plantes, siècle après siècle murmuraient encore le nom de Christophe Colomb comme celui qui avait mit fin à notre tranquillité. Mais nous savions qu'un autre que lui aurait fait la même chose. Nos propriétés étaient trop bien connues. On était déjà accros à nous avant qu'il ne débarque.

J'avais encore des frissons quand je pensais à ce qu'ils m'avaient fait. Les transformations qu'ils avaient opérées sur ma forme, jusqu'à détruire même mon identité. Féminin ou masculin, peu importait tant que je convenais. De ma nature libre, je me retrouvais dans un tube, dont le bout de son tunnel était sans issue et l'autre me conduisait assurément à une fin dramatique.

La société m'avait fait accepter ma condition, parce qu'elle m'avait tellement transformée, faisant ainsi ce qu'elle même était déjà : Mauvaise.
Mon goût avait changé, j'avais du apprendre à cohabiter avec des produits plus toxiques que je ne l'étais déjà et dont les noms imprononçables en faisaient frémir plus d'un.

Quitter l'Amérique pour un autre sol ne me faisait plus peur. Ma nouvelle forme m'avait donné d'autres amis, d'autres préoccupations et un futur des plus incertains.

Mon paquet fut acheté dans un petit tabac crasseux tenu par des personnes ne parlant même pas la langue de mon pays d'accueil. Ma consommatrice dû s'y prendre plusieurs fois pour que je lui appartienne. Elle me promena dans la capitale, je ne pouvais rien voir du fond de son sac mais les odeurs ne pouvaient me tromper. Les secousses dont j'étais la victime depuis si longtemps ne me dérangeait plus mais ce fut quand même une libération quand elle déballa le paquet et m'offrit la lumière de son pays.
Elle aurait pu en choisir une autre pour commencer car nous étions toutes semblable à ses yeux mais c'était moi et pas une autre. Ses doigts attrapèrent ma peau fragile en premier. Elle joua avec moi un peu de temps, me regarda avec envie et là, mes nouvelles aspirations prirent tout leur sens.
Je ne voulais que me poser sur ses lèvres, voir le goût qu'elles avaient et distiller en elle le mien. Elle avait besoin de moi, de mon essence sauvage et de ce qu'elle pouvait lui procurer.
J'étais prêt à tout pour qu'elle passe un bon moment, qu'on me brûle ou qu'on m’écartèle pour me mélanger avec ces autres plantes. Je lui ferais tourner la tête comme elle le désirerait tant qu'elle voudrait de moi.

Dans ses doigts fins naquit la certitude que ma fin viendrait dans peu temps. J'aurais du me sentir comme une condamnée à mort et certes je l'étais mais j'allais vivre mon apogée et je devais m'y donner corps et âme pour elle.

Elle me glissa entre ses lèvres et déjà je commençais à me sentir bien plus vivant que jamais. Je pus apprécier ce moment un peu plus longtemps que d'autres de mes semblables car elle chercha son briquet quelques minutes. Je roulais entre ses lèvres douces qu'elle resserrait autour de mon tube quand elle sentait que j'allais tomber. C'était tellement divin que je me retrouvais vite humide. Puis mon autre bout s'embrassa dans le crépitement de la flamme de son petit briquet jetable.
Commença alors ma vraie mission. Elle inhala la première bouffée comme un nourrisson découvre l'air libre. Puissante et profonde, elle me retira de sa bouche pour en apprécier toute la saveur. J'étais séparé, une part de moi s'inscrivait en elle et y resterait jusqu'à la fin. L'autre, la moins bonne s'échappa ses lèvres quand elle relâcha la fumée toxique.
Je la regardais, exalté par ce que je lui faisais, elle secouait parfois la tête et ses cheveux bruns voltigeaient insouciants autour d'elle. L'esprit bien loin, elle semblait pleinement plongé plus loin que la réalité. 
Plusieurs fois, elle prit tout ce que je pouvais lui offrir. Tandis que la vie me quittait petit à petit, j'étais heureux. Tellement que j'en oubliais la brûlure qui me consumait et mes cendres s'en allant au vent.

Ma fin se comptait maintenant en seconde, ce tête à tête allait se terminer par ma disparition. Je n'étais pas triste, je ne pouvais l'être. Je le voyais bien à la façon dont parfois ses yeux se plantaient sur moi et semblaient dire « Tu es à cet instant la raison pour laquelle je suis assise ici, seule et vulnérable je dépends entièrement de toi et de ce que tu me procures. » Elle n'attendait rien d'autre de moi. Elle savait qu'une fois ma mission terminée, je ne serais pas même un souvenir. Je laissais en elle un goût acre, un léger tournis mais j'avais prit un peu de sa vie. Des minutes de l'instant présent et d'autres dans le futur assurément. Cependant, ce moment que nous venions de vivre était unique. Elle le revivrait avec d'autres, de différentes manières et à d'autres endroits. Mais parmi la multitude de ma condition, j'étais également unique. Nocive et si bonne à la fois, je m'envolais derechef libre.


Je finis sur ma citation préférée : 

"It's like a cigarette in the mouth
Or a handshake in the doorway
I look at you and smile because I'm fine."
On top. The Killers.


4 commentaires:

  1. Juste trop drôle, mais j'ai tout de même une question: que ressent la cigarette lorsqu'elle se fait piétiné vigoureusement par la demoiselle qui vient de lui voler toute l'essence qu'elle avait en elle. =p
    Chapeau l'artiste je ne suis pas seul à avoir de l'imagination!!

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  2. Rien, elle est conne elle aussi ;) Ceci dit, la demoiselle est une fille très à l'ouest,la cigarette à le temps de s'éteindre toute seule avant qu'elle ne la jette à la corbeille, histoire de sauver la planète un petit peu.

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  3. Tu es magique. Pour un peu, je fumerais bien une cigarette, maintenant.

    Marguerite

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